Découvrez l'interview d'Eric Bleines, Directeur général de Swiss Life Gestion Privée

En février dernier, les marchés financiers européens affichaient une surperformance, par rapport aux autres grands indices boursiers mondiaux. Est-ce toujours le cas pour le mois de mars ?

Le mois dernier, nous avons assisté à un début de rattrapage des valeurs américaines. Le Nasdaq a gagné 6,7 %, le S&P 500 3,5 % et le Dow Jones 1,9 %. L’Eurostoxx 50, de son côté, a progressé de 1,8% et le CAC 40, 0,75 %. Le marché a l’impression que la fin du resserrement monétaire est proche outre-Atlantique et que les taux pourraient se stabiliser, voire baisser prochainement. Cela profite directement aux valeurs de croissance très représentées sur la cote américaine. L’Europe, quant à elle, est moins avancée dans son cycle de hausse des taux. En outre, l’inflation sous-jacente, hors énergie et produits alimentaires donc, a
continué d’augmenter, signe que le mouvement de hausse des prix se diffuse dans l’ensemble de l’économie. Cette évolution contrastée entre l’Europe et les Etats-Unis peut toutefois sembler paradoxale, si l’on considère les problèmes rencontrés par le système bancaire américain.

Que vous inspire la décision de l’Opep+ de réduire sa production ?

L’Arabie saoudite a joué un rôle primordial dans cette décision de l’Opep+, qui va à l’encontre des intérêts américains. Elle est en effet déçue de sa relation avec les Etats-Unis et se rapproche des positions russes, chinoises, voire iraniennes. Les tensions géopolitiques, notamment entre pays développés et pays émergents, sont amenées à perdurer. 

Eric Bleines
Le marché a l’impression que la fin du resserrement monétaire est proche outre-Atlantique et que les taux pourraient se stabiliser, voire baisser prochainement.

Les Etats-Unis font face aux difficultés de plusieurs de leurs banques régionales
mais l’Europe est également touchée par l’effondrement de Crédit Suisse. Quelle
différence faites-vous entre ces deux événements ?

Aux Etats-Unis, le problème vient d’établissements de taille limitée dont le cadre réglementaire a été allégé sous l’administration Trump. Ils ont donc pu prendre davantage de risques pendant la période de taux bas. C’est le cas par exemple de la Silicon Valley Bank (SVB) en Californie qui a accordé de nombreuses lignes de crédit aux start-ups technologiques. Au départ, ces dernières n’avaient pas besoin de tirer sur ces lignes, car elles trouvaient très facilement à se financer auprès des fonds de private equity. Mais avec le ralentissement économique et la hausse des taux, ces fonds se sont retirés, poussant les start-ups à avoir davantage recours au crédit bancaire. Pour trouver les liquidités demandées par ces jeunes entreprises de technologie, SVB a dû vendre à pertes les obligations du Trésor américain qu’elle détenait. Des pertes qui ont conduit à sa quasi faillite que seule l’extension de la garantie des dépôts par les autorités a permis d’éviter. Ces difficultés laissent présager un durcissement de l’accès au crédit, qui va rendre moins nécessaire le resserrement monétaire au niveau de la Fed.

Le cas de l’Europe est bien différent : la réglementation n’y a pas été allégée, au contraire. Les banques ont doublé leurs fonds propres depuis la crise de 2008 et sensiblement renforcé leur gestion de la liquidité. En outre, le poids du private equity y est beaucoup plus faible : il n’y a pas un tel mur de dette à refinancer au sein des petites et moyennes entreprises. Crédit Suisse était un établissement malade depuis plusieurs années, plombé par un contrôle insuffisant et une faible rentabilité de sa banque d’investissement. Les marchés ont redouté un effet de contagion sur le reste du secteur bancaire européen – qui a perdu 14 % sur le mois – mais ce dernier est moins interconnecté qu’en 2008, car la banque centrale fait désormais office de chambre de compensation pour l’accès à la liquidité entre les banques. Les banques européennes sont solides, comme le souligne d’ailleurs le comportement de la BCE : elle les connaît intimement puisqu’elle les supervise et elle n’hésite pas à poursuivre ses hausses de taux. 

 

Article achevé de rédiger le 05 avril 2023

Document non contractuel. Les avis et opinions ici exprimés sont ceux de Swiss Life Gestion Privée à la date de diffusion et sont susceptibles d’évoluer dans le temps. Ils ne constituent pas une recommandation ou un conseil en investissement. Nous rappelons que les investissements sur les marchés financiers représentent des risques pouvant entrainer des pertes financières.