Les perspectives de stabilisation de l’inflation et des taux d’intérêt en 2023 suscitent un regain d’optimisme sur les obligations. Mais le rebond, s’il se confirme, ne les affectera pas toutes de la même manière ni dans la même amplitude. Explications par l’exemple des dettes souveraines et des obligations high yield*.

Le New York Times l’a mis à la Une de sa rubrique « Strategies ». L’année 2022 a été la pire depuis au moins un siècle pour les marchés obligataires. Pris en étau par les conséquences de la guerre en Ukraine, l’explosion de l’inflation, l’arrêt des chaînes de production en Chine et la remontée brutale des taux d’intérêt, le marché a pâti du revirement plus rapide que prévu de la politique monétaire des Banques Centrales et de l’écartement des spreads¹ des obligations d’entreprise.  Résultat : les indices souverains ont perdu 17,5 %, les dettes investment grade² aux alentours de 13% et les dettes high yield près de 10% en 2022. 

Quels sont les facteurs d’optimisme ? 

Au premier abord, l’hypothèse d’un retour en force des obligations peut sembler incongrue, le FMI estimant qu’un tiers du monde sera en récession en 2023. Mais cette dernière pourrait être légère et de courte durée. « Une récession ‘technique’ est probable », acquiesce Nicolas Saulnier, gérant obligataire chez Swiss Life Banque Privée. Les premiers signes de reflux de l’inflation aux États-Unis – en novembre, à 7,1% contre 7,7% en octobre – participent à cette évaluation optimiste.
« Je pense qu’on a passé le pire, estime Nicolas Saulnier. Mais vu le discours très ferme des banquiers centraux sur la nécessité de lutter contre l’inflation et de maintenir des taux directeurs plus élevés, plus longtemps qu’anticipés, il sera préférable d’éviter les emprunts d’État. Dans ce contexte, il est peu vraisemblable que les taux souverains européens repartent à la baisse alors que la volatilité restera élevée. » D’où l’importance de privilégier les obligations d’entreprise et de bénéficier d’une bonne diversification des risques aussi bien en termes de zones géographiques, de secteurs, que d’émetteurs. Dans ce contexte de marché, il faudra faire preuve d’agilité pour identifier les meilleurs potentiels : business model résilient, ratios de solvabilité solide, couverture de charge d’intérêts élevée et couple rendement/risque attractif… 

D’où vient l’attrait du high yield ? 

Nicolas Saulnier prône des investissements ciblés sur les dettes subordonnées d’émetteurs investment grade et sur les dettes des émetteurs ayant une notation high yield. Dotées de notes financières BB + et en dessous, ces dernières offrent des rendements plus élevés que leurs concurrentes mieux notées (pour en savoir davantage, lire la newsletter de décembre). Si le risque est mieux rémunéré, il importe néanmoins de veiller à la solvabilité de l’émetteur. 
Là, le gérant assure que « de nombreux émetteurs d’obligations sont bien équipés pour absorber le choc de la récession. » Évoquant les chiffres encourageants de l’année passée, il aborde les prochains mois avec optimisme : « Début 2022, ils disposaient d’un niveau de cash historiquement élevé, et des ratios d’endettement qui étaient sur des plus bas historiques. »  Et de compléter en soulignant l’intérêt des maturités moyennes sur ce segment, « la chance du segment high yield, c’est qu’il n’y aura pas besoin de refinancement en 2023 et peu en 2024 ».
Le secteur des télécoms, les infrastructures et la santé pourraient ainsi tirer leur épingle du jeu.  Le gérant ajoute les valeurs bancaires, « dont les ratios de solvabilité se sont beaucoup améliorés en l’absence de distribution de dividendes pendant la crise du COVID et des publications de résultats en forte augmentation ».
Coté gestion, la stratégie de « portage », c’est-à-dire la conservation des obligations jusqu’à leur échéance, offre une visibilité précieuse en période de stress sur les marchés financiers, tout en garantissant un rendement élevé. « Rien qu’avec le portage on va avoir un taux entre 6 et 8%, donc, s’il y a une accalmie sur les taux et un léger resserrement des spreads on peut très bien avoir une performance à deux chiffres en 2023 », estime Nicolas Saulnier. 

L’année 2023 pourrait donc réserver quelques bonnes surprises.

 

* Les titres « High Yield » sont des obligations d’entreprises présentant un risque de défaut supérieur aux obligations Investment Grade (ou catégorie investissement) et offrant en contrepartie un coupon plus élevé.
¹ Le spread désigne l’écart entre le taux de rentabilité actuariel d’une obligation et celui d’un emprunt sans risque de même maturité.
² Les titres « Investment Grade » désignent des titres obligataires émis par des entreprises dont le risque de défaut de paiement varie de très faible (remboursement presque certain) à modéré. Ils correspondent à une échelle de notation allant de AAA à BBB- (notation Standard&Poor’s).