Découvrez l'interview d'Eric Bleines, Directeur général de Swiss Life Gestion Privée
Quel regard portez-vous sur les marchés financiers depuis le début d’année ?
Les marchés financiers ont commencé l’année comme un boulet de canon : toutes les classes d’actifs sont en progression. Sur les actions, le CAC 40 gagne 9,4 % en janvier, l’Euro Stoxx 50, 9,7 %, le Nasdaq, 10,7 %. Même l’indice chinois, le CSI, rebondit de 7,4 %. Les marchés obligataires aussi sont à la hausse, l’indice des dettes souveraines de la zone euro gagnant par exemple 2,4 %. Au niveau des devises, l’euro regagne 1,5 % face au dollar. Depuis le début d’année, les marchés financiers ne font clairement pas grève !
Comment l'expliquez-vous ?
Les marchés ont salué plusieurs bonnes nouvelles. Tout d’abord, l’inflation semble avoir atteint un pic, en tout cas aux Etats-Unis où elle commence à refluer. Les chiffres laissent entrevoir une hausse des prix sous contrôle, ce qui permet aux banques centrales de ne pas durcir davantage leur discours. Elles ont augmenté leurs taux directeurs début février, mais en réduisant l’ampleur de cette hausse. Ce mouvement a tout particulièrement bénéficié aux titres qui sont très sensibles aux taux, à savoir les valeurs de croissance. Depuis le début d’année, les valeurs technologiques européennes ont rebondi de 19,4 %. Un autre facteur positif a été la réouverture de la Chine, avec l’abandon de la politique « zéro Covid ». Les marchés ont anticipé que la croissance allait revenir dans le pays et soutenir l’activité mondiale. Les valeurs cycliques en ont profité : le Dax allemand, largement composé d’entreprises exportatrices, remonte sensiblement (+ 8,7 % en janvier), de même que le secteur de la chimie. L’anticipation d’un redémarrage de la consommation chinoise a également favorisé les valeurs du luxe, telles que LVMH ou Hermès qui ont atteint des sommets historiques. Ces performances boursières traduisent aussi les bons résultats publiés par les entreprises, souvent meilleurs qu’attendus, assortis d’un discours plutôt optimiste des dirigeants. Seules les publications des entreprises technologiques américaines font exception en la matière : après la très forte demande pendant la période Covid, on devrait assister à une forme de normalisation en 2023. Enfin, sur le plan technique, les marchés ont été largement portés par les reprises de positions de la part des vendeurs à découvert, ce qui a plus spécifiquement profité aux valeurs européennes.
Cet enthousiasme doit-il être tempéré ?
Nous pensons que les marchés montent trop fort trop vite. Il va nécessairement y avoir une pause. Plusieurs facteurs de risques sont occultés. Sur le front de l’inflation, certaines composantes continuent de progresser, comme les salaires, l’alimentaire ou les services aux Etats-Unis. En Europe, l’essentiel du ralentissement observé vient des prix de l’énergie – ceux du gaz ont baissé de 30 % depuis le début d’année et de 70 % sur les six derniers mois – mais le pic n’a pas encore été atteint. La BCE va donc continuer d’augmenter significativement ses taux. Quant à la réouverture de l’économie chinoise, en stimulant l’activité mondiale, elle pourrait aussi faire repartir l’inflation à la hausse. Enfin, les marchés semblent se désintéresser de la géopolitique. Pourtant, entre les risques d’une nouvelle offensive russe en Ukraine, les tensions entre la Chine et les Etats-Unis autour de « ballons espions » et la situation sensible à Taïwan, l’horizon est loin d’être dégagé.
Article achevé de rédiger le 9 février 2023
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