Découvrez l'interview de Mary-Sol Michel, Directrice de la gestion sous mandat chez Swiss Life Banque Privée.

Comment ont évolué les marchés financiers en juin ?

Les performances du mois dernier ont été marquées par une très forte dichotomie entre les Etats-Unis d’un côté et le reste du monde de l’autre. Les marchés américains ont enregistré une progression spectaculaire en juin, le S&P 500 gagnant 3,5 % et le Nasdaq 6 %. Les Bourses européennes, au contraire, sont dans le rouge, l’Euro Stoxx 50 perdant près de 2 % et le CAC 40 plongeant de plus de 6 %. Le risque politique fait son retour en Europe, à l’occasion des multiples épisodes électoraux qui ont vu la percée des extrêmes dans plusieurs pays, et en particulier en France. Côté asiatique, l’indice chinois est lui aussi en baisse (-3,3 %), tandis que le Nikkei japonais rebondit de 2,8 %. Une performance qu’il faut nuancer car le yen ne cesse de se déprécier : pénalisé par la politique monétaire toujours très accommodante de la Banque du Japon, il est désormais à son plus bas niveau depuis 38 ans.

Aucune majorité absolue ne s’est dégagée à l’issue du second tour des élections législatives françaises. Quelles peuvent en être les conséquences pour les marchés financiers ?

Le principal risque, pour les marchés, était que les partis extrêmes arrivent au pouvoir en obtenant la majorité absolue à l’Assemblée. Depuis, les tensions sur la dette française se sont estompées : l’écart de taux avec l’Allemagne, qui avait grimpé à 80 points de base (0,8 %) juste après l’annonce de la dissolution est retombé à 65 points de base ce lundi. Cela étant, le risque est désormais que la France s’avère ingouvernable, alors même que des réformes structurelles sont attendues, en particulier, pour restaurer l’équilibre des finances publiques. Au final, il est possible que ce soit un gouvernement technique qui soit formé, avec le soutien d’une grande coalition. A ce stade, le flou persiste, tant sur la composition du gouvernement que sur son programme.

Des garde-fous existent toutefois, à commencer par l’Union européenne qui, malgré la poussée des extrêmes, reste dominée par la droite modérée du Parti populaire européen (PPE). Sur le plan économique aussi, plusieurs éléments sont rassurants : la croissance se renforce en zone euro, l’inflation ralentit et la BCE a commencé à baisser ses taux directeurs le 6 juin. Côté entreprises, la croissance des bénéfices s’accélère et les valorisations restent raisonnables en Europe. Les grandes entreprises françaises, en particulier, sont en bonne santé : elles sont peu endettées, dégagent des marges élevées et leur chiffre d’affaires ne dépend que minoritairement de la France (15 % seulement pour les sociétés du CAC 40).

Mary-Sol_Michel
Côté entreprises, la croissance des bénéfices s’accélère et les valorisations restent raisonnables en Europe.

Vous avez souligné la très notable progression des Bourses américaines en juin. Comment l’expliquez-vous ?

Les Etats-Unis bénéficient, depuis le début d’année, d’une conjonction de facteurs qui viennent en soutien des marchés. Tout d’abord, le ralentissement de l’économie se confirme, notamment, dans l’activité manufacturière. Le rééquilibrage du marché de l’emploi – qui était en surchauffe – se poursuit : les créations d’emploi marquent le pas, le chômage remonte légèrement et surtout, le taux des salaires horaires ralentit sa progression. L’inflation continue également de refluer, à 2,6 % en mai contre 2,8 % en avril (indice PCE core). Ce sont autant d’indicateurs qui devraient permettre à la Fed de baisser ses taux d’ici la fin de l’année. Les dernières déclarations accommodantes de Jerome Powell lors de la réunion des banquiers centraux à Sintra vont d’ailleurs dans ce sens.

Ensuite, les entreprises technologiques américaines, profitant de la révolution de l’intelligence artificielle, se portent très bien et tirent les Bourses à la hausse. Certes, elles sont chères : leur valorisation (28 fois les bénéfices de l’année à venir) est plus élevée que celle du marché dans son ensemble (21 fois) et plus encore que la moyenne historique (16 fois). Mais c’est avant tout le reflet d’une croissance des bénéfices trois fois supérieure au reste de la cote. On ne peut donc pas comparer la situation actuelle à la bulle internet du début des années 2000, où les bénéfices liés à internet étaient fort maigres. Le secteur technologique est toutefois loin d’être homogène, ce qui impose de faire preuve d’une grande sélectivité. Les plus fortes hausses sont à rechercher au sein du segment des semi-conducteurs, avec en particulier Nvidia (+154 % depuis le début d’année), ou Broadcom (+52% depuis début 2024) qui contrastent avec Intel appartenant au même segment, mais en baisse de 38 % depuis le début de l’année. Viennent ensuite les services internet et media (Alphabet, Amazon Meta…) qui affichent des performances très confortables (supérieures à 30% depuis début 2024). A l’inverse, le segment des logiciels ou du matériel informatique réalisent une performance modeste depuis le début de l’année (en moyenne inférieure à 5%, malgré la belle progression de Microsoft). Il peut donc encore y avoir des opportunités au sein d’un secteur technologiques très hétérogène.

Comment aborder la période estivale sur les marchés ?

La situation devrait s’apaiser, les publications de résultats étant l’occasion de remettre un peu plus de sérénité dans les parcours boursiers des entreprises. Nous maintenons toutefois une forme de prudence et conservons un niveau élevé de liquidités pour saisir les occasions qui pourraient se présenter entre août et octobre, période traditionnellement moins porteuse pour les marchés.

Outre-Atlantique aussi, le risque politique fait son retour – en effet, le risque d’un changement de candidat démocrate plane, ce qui pourrait peser sur les marchés.

Interview de Mary-Sol Michel, directrice de la gestion sous mandat chez Swiss Life Gestion Privée. Achevé de rédiger le 8 juillet 2024.

Document non contractuel. Les avis et opinions ici exprimés sont ceux de Swiss Life Gestion Privée à la date de diffusion et sont susceptibles d’évoluer dans le temps. Ils ne constituent pas une recommandation ou un conseil en investissement. Nous rappelons que les investissements sur les marchés financiers représentent des risques pouvant entrainer des pertes financières. 

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