Découvrez l'interview d'Eric Bleines, directeur général adjoint de Swiss Life Gestion Privée.
Que retenez-vous de la débâcle de ces derniers jours sur les marchés financiers ?
Depuis fin février, la quasi-totalité des indices ont enregistré de très fortes baisses, de l’ordre de (au 8 avril) 13 % pour l’Euro Stoxx 50 et le CAC 40, 10 % pour le Dax, 16 % pour le S&P 500, 19 % pour le Nasdaq, mais seulement 6 % pour le CSI 300 chinois. Depuis son retour au pouvoir, Donald Trump poursuit un objectif central de réindustrialisation des Etats-Unis et notamment de la « Rust Bell », son bastion électoral. Pour y parvenir, il a annoncé une hausse généralisée des droits de douane bien plus élevée que ce à quoi s’attendaient les marchés, provoquant leur décrochage et une détérioration de la confiance des acteurs économiques. Cette politique va coûter cher aux Etats-Unis. L’inflation devrait augmenter, ce qui pourrait empêcher la Fed de baisser ses taux et in fine limiter la baisse du dollar, sur laquelle compte aussi Donald Trump. La croissance est revue à la baisse de 1 % cette année. La relocalisation des activités aux Etats-Unis prendra du temps, alors que les effets négatifs des barrières douanières sont bien plus immédiats. Cette grande instabilité infligée par Donald Trump rejaillit sur l’ensemble des pays du monde, notamment certains pays asiatiques très dépendants du commerce international, comme le Vietnam. Pour l’Union européenne, dont les exportations vers les Etats-Unis représentent 3 % du PIB, on s’attend à un impact négatif sur la croissance de 0,4 %.
Cette volatilité va-t-elle perdurer ?
Les turbulences ne sont pas terminées : les pays ripostent désormais à ces premières annonces américaines. C’est le modèle économique de l’après-Seconde guerre mondiale qui est en train d’être remis en cause. Même si les postures de Donald Trump relèvent d’une technique de négociation - comme le laisse entendre sa volteface du 9 avril -, et qu’il calme le jeu dans les semaines qui viennent, cela ne change en rien son objectif final qui est celui de rendre la production domestique plus compétitive, coûte que coûte.

Comment réagissent les taux d’intérêt ?
Aux Etats-Unis, les craintes d’une récession ont tout d’abord poussé les taux longs à la baisse, passant de 4,20 % fin mars à 3,88 % juste après les annonces. Mais un mouvement de défiance à l’égard de la dette américaine – principalement financée par des investisseurs non-américains – a conduit à leur fortrebond (4,42 % le 9 avril). Cela renchérit le financement de cette réindustrialisation, d’autant que les spreads, c’est-à-dire l’écart entre le taux souverain et celui auquel empruntent les entreprises, ont flambé, retrouvant les niveaux atteints au moment de la crise des banques régionales américaines au printemps 2023. Quant à la Fed, on peut s’attendre à ce que, soucieuse de sa crédibilité, elle continue de mener sa politique dictée par les données économiques et ce, en dépit des appels de Donald Trump à baisser les taux. La zone euro, quant à elle, voit plutôt ses taux refluer, grâce à une inflation qui continue de reculer.
Sur quels marchés misez-vous dans ce contexte hautement volatil ?
Le mot d’ordre est d’accroître la diversification. Nous ne souhaitons pas augmenter notre exposition aux Etats-Unis pour le moment. Nous sommes déjà bien investis sur la bourse américaine qui reste bien valorisée par rapport à sa moyenne de long terme. Par ailleurs, l’impact économique des hausses tarifaires sera élevé et la visibilité se réduit sur ce marché. Nous privilégions des pays qui disposent d’une marge de manœuvre pour relancer leur économie interne et soutenir leur consommation. En Europe, c’est le cas de l’Allemagne, dont les plans de relance annoncés en mars pourraient apporter 1 % de croissance annuelle supplémentaire pendant 7 ou 8 ans. Le marché chinois, qui reste sous-valorisé, est également intéressant. Certes, les droits de douane vont pénaliser les exportations vers les Etats-Unis, mais ces dernières ne représentent pas plus de 5 % du PIB. Surtout, le gouvernement a les moyens de contrer ces effets négatifs en stimulant la consommation domestique. Enfin, nous misons sur le marché de la dette d’entreprises de la zone euro, notamment celles à haut rendement : leurs valorisations intègrent un scénario de récession auquel nous ne croyons pas.
Interview d'Eric Bleines, directeur général adjoint de Swiss Life Gestion Privée. Achevé de rédiger le 9 avril 2025.
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