Découvrez l'interview d'Eric Bleines, Directeur général adjoint de Swiss Life Gestion Privée.
Quel bilan tirez-vous du mois d’octobre sur les marchés financiers ?
Nous avons assisté à un mouvement de consolidation assez généralisé : l’Eurostoxx 50 perd 3,46 % et le CAC 40, 3,74 %, tandis que le CSI 300 chinois recule de 3,16 %. Dans ce paysage, la Bourse américaine se comporte mieux puisque le S&P 500 ne concède que 0.99% et le Nasdaq, 0,52 %. Les taux longs, en revanche, ont significativement grimpé aux Etats-Unis, passant en un mois de 3,78 % à 4,44 %, ce qui pèse sur la performance des obligations. Ces évolutions ont plusieurs explications. Tout d’abord, l’économie américaine, bien qu’en ralentissement, apparaît plus résiliente que l’économie européenne : après la baisse de ces derniers mois, le niveau des taux long ne reflétait peut-être pas suffisamment cette vigueur. Ensuite, les marchés américains avaient anticipé une victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle : ses promesses de baisses d’impôts ont renforcé le sentiment de confiance, tandis que sa volonté de relever les barrières douanières ont laissé présager une hausse de l’inflation. Enfin, il ne faut pas sous-estimer l’effet des politiques des banques centrales de pays non alignés, comme la Chine ou bien la Russie : ces dernières préfèrent accroitre leurs réserves en or – dont le cours a progressé de 4,16 % sur le mois – plutôt qu’en obligations d’Etat américaines. Face à ce retrait d’acheteurs massifs de bons du Trésor, les rendements ont été poussés à la hausse..
Qu’en est-il des facteurs microéconomiques ?
Les publications pour le troisième trimestre ont également contribué à cette consolidation du marché, les mauvaises nouvelles étant sanctionnées et les bonnes, ignorées. Les résultats ont été particulièrement décevants côté européen : alors que les bénéfices étaient encore attendus en hausse de 3,4 % pour 2024 le mois dernier, les prévisions sont tombées à 1,8 % ce mois-ci. Côté américain, le repli est bien moins marqué puisque que le consensus sur la croissance bénéficiaire n’est passé que de 10,5 à 9,3 % pour l’année 2024.
Dans ce contexte, que peut-on attendre du résultat des élections américaines ?
La victoire de Donald Trump n’a pas été aussi serrée que cela avait pu être anticipé : les jeux sont faits désormais. Le parti républicain, ou plus précisément le camp MAGA (Make America Great Again), va dominer à la fois le Sénat et la Chambre des représentants, ce qui laissera les mains libres à Donald Trump. Il reste à voir quelles seront ses priorités, mais il souhaite un changement de style de présidence rapide. Les tensions géopolitiques vont rester fortes, notamment au Proche-Orient, et la prime de risque va se maintenir. Dans le même temps, Donald Trump a confirmé son souhait de sortir de l’Accord de Paris, ce qui devrait soutenir la production de pétrole aux Etats-Unis et freiner les industries vertes. Les droits de douane pourraient grimper à 10 ou 20 % pour l’Europe et de 60 à 100 % pour la Chine, ce qui ne sera pas sans générer des tensions importantes. Il faudra voir si cela pousse l’Union européenne à réagir et à suivre les préconisations de Mario Draghi.
Quelles pourraient être les implications en matière de politique monétaire ?
Le scénario est moins favorable à une poursuite de la baisse des taux. Il y a toutefois débat pour savoir si ces barrières douanières seront vraiment synonymes de hausse des prix aux Etats-Unis et donc de hausse des taux. Certains observateurs anticipent en effet que les exportateurs européens et chinois pourraient rogner sur leurs marges pour absorber ce choc. Comme attendu, la Fed a adopté une posture prudente en baissant ses taux directeurs de 25 points de base, et Jerome Powell a réaffirmé son indépendance vis-à-vis du nouveau président élu. La période devrait rester instable et les marchés volatils.
Interview d'Eric Bleines, directeur général adjoint de Swiss Life Gestion Privée. Achevé de rédiger le 8 novembre 2024.
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