En matière de fiscalité patrimoniale, quelles que soient les réformes amorcées par l’Assemblée nouvellement composée, les règles de rétroactivité varient selon l’imposition concernée. Nous vous présentons plus particulièrement les impacts qui pourraient être attendus en matière d’impôt sur le revenu (IR), d’impôt sur la fortune immobilière (IFI) ainsi qu’en matière de transmission.

1. LES IMPACTS EN MATIERE D’IMPOT SUR LE REVENU

La fiscalité sur les revenus n’est définitivement connue qu’au 31 décembre de l’année. Ainsi, une loi de finances adoptée avant la fin de l’année peut impacter les revenus perçus au cours de celle-ci, même antérieurement à l’adoption de la loi. Il s’agit du principe fiscal dit de la « petite rétroactivité ».

a) Le taux forfaitaire unique

Depuis le 1er janvier 2018, les dividendes, intérêts, plus-values sur cession de valeurs mobilières et assimilés sont imposés à un taux forfaitaire d’imposition de 12.8% (appelé prélèvement forfaitaire unique PFU ou « flat-tax »). S’y ajoutent les prélèvements sociaux de 17.2%, soit un taux global de 30%.

En pratique, ce prélèvement de 12,8 % sert d’acompte au paiement de l’impôt. L’imposition définitive n’intervient que l’année suivante, l’impôt déjà acquitté lors du versement créant un crédit d’impôt égal imputable sur le montant de l’impôt définitivement calculé.

Le PFU a gardé un certain nombre d’opposants. A ce titre, les différents programmes débattus lors des élections législatives proposent notamment d’instaurer un seuil annuel, de le moduler à la hausse, voire de le supprimer.

b) Le barème progressif

Toute modification législative du barème progressif adoptée avant le 31 décembre 2024 serait applicable aux revenus perçus en 2024. Sa version actuelle prévoit cinq tranches, de 0 % à 45 % (au-delà de 177 107 €) avec un prélèvement à la source, servant, ici aussi, d’acompte.

Rappelons que certains programmes ont proposé de le modifier afin d’accroître la progressivité de l’impôt.

En matière d’impôt sur le revenu, concernant plus spécifiquement les plus-values d’apport afférentes à des opérations effectuées en 2024 et bénéficiant d’un report d’imposition, ici encore, la législation applicable est celle du 31 décembre de l’année de l’apport des titres (règles d’assiette et de taux). Une modification du régime avant le 31 décembre s’appliquerait donc aux apports réalisés en 2024.

c) Impositions spécifiques

Il convient de rappeler que certaines impositions sont, quant à elles, définitives en raison de leur caractère libératoire. C’est le cas notamment des prélèvements opérés lors de rachats sur des contrats d’assurance-vie dont les primes ont été versées avant le 27 septembre 2017. Ils bénéficient d’un prélèvement forfaitaire dit « libératoire », le contribuable s’acquittant alors définitivement de l’impôt. De même, en matière de plus-values immobilières des particuliers, l’impôt prélevé par le notaire lors de la vente a un caractère définitif.

Une loi de finances intervenant a posteriori n’aurait donc, pour ces revenus, en principe, pas d’impact. En principe seulement car rappelons néanmoins que ces revenus intègrent le périmètre d’application de la Contribution Exceptionnelle sur les Hauts Revenus (CEHR). Celle-ci étant établie selon les règles en vigueur au 31 décembre de l’année, un « rattrapage » reste envisageable.

2. LES IMPACTS EN MATIERE D’IMPOT SUR LA FORTUNE

Remplacé en 2018 par l’impôt sur la fortune immobilière (l’IFI), l'impôt de solidarité sur la fortune (l'ISF) pourrait-il renaître de ses cendres ?

L’IFI est dû par les contribuables détenant des biens et droits immobiliers dont la valeur excède 1 300 000 € au 1er janvier de l’année d’imposition. Une loi de finances intervenant en cours d’année ne pourrait avoir d’effet que pour l’imposition due au titre de l’année suivante.

Certains programmes proposent soit de remplacer l’IFI par un Impôt sur la Fortune Financière (IFF), soit de rétablir un ISF qui serait « renforcé » pour financer un volet climatique.

Quoi qu’il en soit, les règles votées en cours d’année ne pourront remettre en cause l’IFI dû au titre de 2024, celui-ci connaissant un fait générateur au 1er janvier de l’année d’imposition. Le cas échéant, tout changement de son régime ne serait donc applicable qu’à compter de l’année suivante.

Rappelons néanmoins qu’en 2012 une contribution exceptionnelle et additionnelle à l’ISF avait été approuvée par le Conseil Constitutionnel en cours d’année et avait eu pour impact d’augmenter la charge de l’ISF dû en 2012.

Les prochaines discussions à l’Assemblée pourraient donc également l’envisager.

A noter qu’il existe toutefois un mécanisme de plafonnement, sécurisé dans le temps par la jurisprudence constitutionnelle qui garantit aux contribuables que leur charge fiscale globale n’excède pas 75 % de leurs revenus. À ce titre, l’utilisation de toute enveloppe de capitalisation de type assurance-vie peut constituer un « levier de pilotage » comme source alternative de revenus.

3. LES IMPACTS EN MATIERE DE TRANSMISSION

Le principe de « petite rétroactivité » évoquée en matière d’impôt sur le revenu ne s’applique pas en matière de droits de donation et succession ; l’imposition reste celle en vigueur au jour de la transmission, sous réserve d’une déclaration effective.

Les opérations de transmission restent donc possibles et sécurisées dans le cadre fiscal actuel.

En synthèse :

La lecture du projet de loi de finances 2025 applicable aux revenus 2024 pourra nous apporter des réponses plus précises sur ce qu’il adviendra du régime fiscal que nous connaissons aujourd’hui. La prochaine législature ouvrira le 18 juillet prochain, amorçant de possibles travaux préparatoires à des lois de finances. Le projet devra être déposé par le Gouvernement au plus tard début octobre devantl’Assemblée Nationale, en vue de son adoption définitive en fin d’année. Avant cela, une loi de finances rectificatives pour 2024 serait aussi envisageable.

D’autres ajustements législatifs pourraient avoir lieu dans le même temps, parmi lesquels un ajustement à effet immédiat de l’exit-tax afin de cibler les contribuables qui envisageraient de quitter le territoire national.

Au regard de ces éléments, toute opération précipitée visant à anticiper une évolution de la fiscalité s’avèrerait inefficace.

Notre équipe d’ingénierie patrimoniale ne manquera pas de vous tenir informés des éventuelles évolutions à venir.

Avertissement :

Le présent document a été rédigé par SwissLife Banque Privée et a vocation à établir différentes hypothèses au regard de la conjoncture nationale. Ces projections hypothétiques vous sont fournies à titre purement indicatif, sur la base de la documentation dont nous disposons à ce jour et de la législation en vigueur. Elles ne sauraient en aucun cas remplacer l’expertise de vos conseils habituels. Les données communiquées sont susceptibles d’évoluer.

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