Au fil des siècles, l’or s’est constitué un statut exceptionnel : celui de valeur refuge. Certainement en raison de sa rareté, de sa durabilité et de sa relative facilité de conservation. De plus, son histoire longue en tant que symbole de richesse et de sécurité a solidifié sa réputation parmi les humains. Ce métal précieux est universellement reconnu comme une valeur d’échange fiable à tout moment et particulièrement en période d’incertitude ou de crise.

Ainsi, l’or ne sera jamais une matière première comme les autres. La consommation de ce métal par les industriels de la joaillerie ne représente en effet que 6% de la demande mondiale, un pourcentage qui reste relativement stable au fil du temps.

Il existe donc effectivement une autre catégorie d’acheteurs d’or : les financiers ! Une corrélation significative existe entre les périodes de turbulences et l’intérêt accru des investisseurs financiers pour l’or et plusieurs facteurs sont à la source de cette tendance :

Les tensions et conflits internationaux, tels que les guerres, les menaces de guerre, les instabilités politiques et les tensions diplomatiques majeures, entraînent souvent une augmentation de la demande pour l'or.

Les instabilités financières, comme les récessions, les crises économiques, les crises financières liées à la dette des États ou les krachs boursiers, incitent les investisseurs à se tourner vers l'or.

La perte de confiance dans une devise, ainsi que les périodes d'inflation incontrôlée ou très élevée, renforcent l'instinct grégaire des individus et augmentent la demande pour l'or.

A l’inverse, en période de confiance et de stabilité, le prix de l’once d’or tend à diminuer. Cela s’explique par l’une des principales caractéristiques négatives de cet actif lorsqu’il est détenu par des financiers : il ne procure aucun dividende ni intérêt à son détenteur. Parmi les détracteurs célèbres de l'or, on peut citer John Maynard Keynes.

Ainsi, le coût d'opportunité est élevé pour les investisseurs optimistes quant à l'avenir. Par exemple entre décembre 1974 et août 1976, la valeur de l’once d’or a presque diminué de moitié. De plus, la sensibilité du prix de l'or varie également en fonction des politiques des banquiers centraux. En période de stabilité politique et économique, des taux d'intérêt élevés pèsent à la baisse sur le prix de l'or, et inversement.

En somme, bien que l'or soit un actif atypique difficile à valoriser par les techniques financières classiques, ses fluctuations reflètent largement la sensibilité de ce métal à l'état d'esprit collectif, aux événements mondiaux et aux différentes anticipations des investisseurs sur les crises, le niveau futur de l’inflation et des taux d’intérêt.
Pour rappel, l’once d’or s’échangeait à 1 000 $ en mars 2008, au plus fort de la crise des subprimes. En juillet 2020, en pleine crise sanitaire, son prix avait doublé pour atteindre 2 000 $. Plus récemment, en mars dernier, dans le contexte des tensions commerciales déclenchées par Donald Trump, l'once d'or a grimpé à 3 000 $. Le 22 avril dernier, l'once d'or a même franchi les 3 500 $ en cours de séance, avant de connaître une légère baisse ces dernières semaines.

Ces fluctuations illustrent bien comment l'or réagit aux crises économiques et politiques, ainsi qu'aux incertitudes mondiales. Essayons de répertorier les principales raisons qui expliquent l'engouement actuel pour l'or :

  1. La volonté de réduire la dépendance au dollar dans le commerce mondial : une tendance à « la dédollarisation » :  Dans les années 2000, les banques centrales privilégiaient la réduction de leurs stocks au profit d’actifs plus rémunérateurs. Par exemple, au cours de la période 2004-2009, la banque de France a vendu 600 tonnes d’or, soit 20% de ses réserves, pour n’a plus bougé depuis. Cependant, la crise financière de 2007-2008 a marqué un tournant majeur en la matière, incitant les banques centrales à reconstituer massivement leurs réserves d'or. Par exemple, l’année dernière, la Chine a augmenté ses réserves de 44.2 tonnes, la Pologne de 89.5 tonnes et l’Inde de 89.5 tonnes. Parmi les autres acquéreurs réguliers figurent la Turquie, le Qatar, l’Egypte, l’Irlande ou encore le Kirghizstan.Les amendes records infligées par les autorités américaines dans les années 2010 à des institutions financières et grandes multinationales étrangères en lien avec des opérations en dollars ont conduit certains pays à reconsidérer leur dépendance au dollar.En effet, le commerce en dollar oblige les pays à se soumettre à la loi américaine, une contrainte que de nombreux pays désirent actuellement contourner.  Le gel des avoirs russes à l’étranger, après l’invasion de l’Ukraine en février 2022, n’a fait qu’amplifier ce mouvement de défiance internationale. Aujourd’hui, des pays comme la Chine, la Russie ou encore l’Iran ont toutes les bonnes raisons de ne pas utiliser le dollar comme monnaie d’échange. Un autre exemple notable de cette dynamique est l’Allemagne qui a rapatrié de l'or sur son sol entre 2013 et 2017. Officiellement, cela visait à une meilleure répartition géographique de ses avoirs, mais officieusement, il s'agissait probablement de se prémunir contre le risque de gel et de saisie. Cette tendance s'accélère, et la part de détention d'or physique sur le propre territoire des pays a augmenté ces dernières années.
  2. Une défiance croissante envers l'endettement des États, en particulier ceux dont la dette publique augmente de manière exponentielle, se fait sentir. Les Treasuries, les obligations émises par le Trésor américain, ont historiquement constitué une composante clé des réserves des banques centrales, rivalisant longtemps avec l'or pour le titre de valeur refuge. Cependant, depuis la crise sanitaire de 2020, la dette publique américaine a augmenté de plusieurs milliers de milliards de dollars, une accélération qui contraste fortement avec les taux de croissance antérieurs. Cette situation préoccupante a considérablement entamé la confiance des banques centrales et des investisseurs.Plus récemment, les interventions de Donald Trump sur l'indépendance de la Fed, la banque centrale américaine, ont amplifié ce mouvement de défiance. Elles ont suscité des craintes quant à une aggravation du déficit budgétaire déjà très élevé (6,4 % du PIB) et, par conséquent, une nouvelle augmentation de la dette publique, qui se situe aux alentours de 98-99 % du PIB américain, soit 28 700 milliards de dollars à la fin de décembre 2024.Dans ce contexte, la Chine, autrefois le premier créancier des États-Unis, a réduit ses avoirs en bons du Trésor américain à moins de 800 milliards de dollars en 2024, contre près de 1 300 milliards en 2013. Pendant la même période, ses réserves en or sont passées de 1 054 à 2 279 tonnes. Cette tendance reflète une volonté croissante de diversifier les réserves et de se protéger contre les risques associés à l'endettement américain, à la dépendance au dollar et à son mépris.
  3. Depuis 2022, l'environnement géopolitique est devenu une source de préoccupation majeure. La Russie revendique tout ou partie de l'Ukraine, la Chine multiplie les initiatives pour prendre le contrôle de Taïwan, et l'Inde et le Pakistan s'affrontent à leurs frontières. Les États-Unis expriment des velléités sur le Groenland et évoquent même l'idée que le Canada pourrait devenir leur 51e État, tandis que Gaza est comparée à la prochaine Côte d'Azur. De plus, le président américain a affiché sa volonté de réduire le financement de l'OTAN, compromettant ainsi la sécurité de l'Europe alors que la guerre fait rage à ses frontières. Il faut également mentionner la suspension des financements américains à l'aide étrangère au développement et à l'aide humanitaire.Dans ce contexte d'incertitude, les épargnants se tournent vers l'achat de lingots et de pièces d'or. En 2024, ces achats représentaient 24 % de la demande totale, et au cours des trois premiers mois de 2025, ils ont atteint 42 % de l'or produit. Bien que leurs motivations diffèrent de celles des banquiers centraux, l'objectif reste le même : diversifier leurs actifs et protéger une partie de leur patrimoine contre les aléas économiques et politiques de cette période très incertaine.
  4. Depuis la première élection de Donald Trump, l'isolationnisme croissant des États-Unis a marqué la fin de la « mondialisation heureuse » au profit d'une souveraineté de production. Cette tendance a été accentuée par de fortes perturbations de la logistique mondiale. Plus récemment encore, le bouleversement de la politique douanière américaine, avec les annonces sans précédent du 3 avril dernier en faveur de droits de douane exorbitants, a renforcé les anticipations d'une résurgence de l'inflation, un autre argument solide en faveur de l’or.

En somme, la montée de l'or repose sur des mégatendances qui suggèrent que, malgré une possible phase de consolidation, ce métal jaune n'a certainement pas fini de briller !

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Eric Bleines

Directeur de la gestion actions

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